Jardin secret : incursion dans l’univers de son enfant
Tous les enfants ont un jardin secret. En tant que parents, doit-on chercher à y avoir accès ? Peut-on se permettre de lire le journal intime de son enfant ? Nous en avons discuté avec la psychologue clinicienne Dana Castro.
On aimerait lire notre enfant comme un livre ouvert, pour mieux le comprendre, le guider et le protéger. Et pourtant, il ne nous dit pas tout, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Développer son monde intérieur est un processus normal, explique Dana Castro, auteure de l’ouvrage Petits silences, petits mensonges – Le jardin secret de l’enfant. En entrevue depuis Paris, la psychologue clinicienne indique que le jardin secret commence à se bâtir très tôt, dès l’âge de 3 ans. À travers des jeux, l’enfant se raconte toutes sortes d’histoires à lui-même. Et quand on lui demande ce qu’il fait, il répond : « Rien ! ».
Un univers propre à chaque enfant
Le jardin secret est cet univers dans la tête de chacun, à tout âge, où l’on prend plaisir à être avec soi-même, à discuter, à débattre, à critiquer les gens qu’on aime moins, en son for intérieur. « C’est extrêmement utile et intéressant. C’est une façon de déverser des choses négatives et d’évacuer les émotions », décrit Mme Castro.
Entre 5 et 8 ans, l’ami imaginaire est pour plusieurs le gardien de ce jardin secret. Entre 10 et 12 ans, le dialogue intérieur change, puisque l’enfant a plus de contacts sociaux, ses amitiés sont plus fortes. Il va alors débattre avec lui-même et se poser des questions sur ce qu’il pense des autres.
À noter que personne ne peut accéder au jardin secret de quelqu’un, précise la psychologue clinicienne. C’est un endroit précieux. Les parents le confondent souvent avec l’intimité, cette sensation d’être proche d’une personne aimée : sa sœur, ses parents, ses amis, des gens avec qui on peut échanger sans jugement. Le jardin secret est individuel, alors que l’intimité est relationnelle.
Lire ou ne pas lire le journal intime
Et le journal intime dans tout ça ? Il relève du jardin secret. En général, les parents qui tentent de lire celui de leur enfant ont peur qu’il soit malheureux, constate Mme Castro. « S’il ne nous dit rien, on ne pourra pas l’aider ! ». Voilà l’excuse répandue. Mais c’est une barrière à ne pas franchir.
S’il se passe quelque chose de grave, des signaux seront envoyés: changement de comportement, humeur moins joyeuse, questions inhabituelles… On arrive à le déceler sans avoir à lire le journal intime, rassure la spécialiste.
Bien communiquer en famille, c’est rester à l’écoute, sans être intrusif, en respectant le jardin secret de chacun. Car « tout n’est pas bon à dire », estime Mme Castro.
L’heure des mensonges
Les mensonges sont d’une autre nature. Ils arrivent inévitablement, prévient la psychologue clinicienne. Les pipis au lit dissimulés. Puis les cachotteries qui surviennent dès la scolarisation, et qui iront crescendo. Que l’enfant fasse une bêtise, ramène une mauvaise note ou casse un objet, il mentira pour éviter des ennuis.
Le mensonge a un caractère volontaire et intentionnel, contrairement au jardin secret. Il porte sur des faits et sert à se protéger. Il faut bien observer son enfant, essayer de comprendre son caractère et sa façon de fonctionner pour lui apprendre à dire la vérité. Si un mensonge est découvert, mieux vaut éviter de s’emporter. « Le drame invite au mensonge. »
Selon la gravité de la situation, on peut parfois punir. On se calme d’abord, puis on explique à l’enfant ce qu’on attend de lui. Une fois, deux fois… huit fois pour que ce soit intégré.
Mentir est une étape développementale normale, qui démontre que l’enfant commence à nuancer la « toute puissance » de l’adulte. Et qui n’a rien à voir avec nos compétences de parents, souligne Mme Castro.
Complément : Des jeunes et une intervenante en travail social répondent à Noémie qui a posé la question suivante à l’équipe des Débrouillards : « Ma mère a rangé ma chambre et je suis sûre qu’elle a lu mon journal. Maintenant je pense qu’elle sait des choses que je voulais lui cacher et je me sens mal. Devrais-je lui en parler ? »
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